Abbaye de Saint-Maurin

Fiche encyclopédique

Saint-Maurin, au coeur du Lot-et-Garonne

À la découverte des sites clunisiens

Fille de l’abbaye de Moissac, Saint-Maurin devient clunisienne à la fin du XIe siècle. Avant cela, elle abritait déjà un établissement monastique implanté sur le lieu de sépulture de Maurin, martyr chrétien du début du VIe siècle. Les chapiteaux de l’église, précieux vestiges du Moyen Âge, témoignent encore de l’implantation des moines dans le Lot-et-Garonne.

La légende de Maurin, martyr, d’après le légendier de Moissac

Né à Agen au début du VIe siècle, Maurin est au cœur de l’histoire du monastère. Sa vie et ses exploits sont connus grâce à un récit unique conservé dans le célèbre légendier de Moissac (BnF, Latin 17002(1).

Le récit débute par une scène marquante : la naissance du saint annoncée à son père. Ce dernier, désespéré de ne pas avoir d’enfant et sur le point d’abandonner son épouse, entendit soudain une voix venue du ciel qui lui promit qu’un fils, Maurin, naîtrait bientôt. 

Cet enfant, désigné comme « l’élu du Seigneur », multiplia les miracles et convertit bon nombre d’Agenais au christianisme… Pour cela, il provoqua la colère du gouverneur de la ville de Lectoure qui le décapita de ses propres mains.

C’est alors que Maurin se leva, emporta sa tête et alla rendre son dernier souffle sur le site où s’élève actuellement le monastère : c’est un saint céphalophore (2), comme saint Denis !

Chaque 25 novembre, les moines honoraient leur saint protecteur autour d’une procession, une marche solennelle rassemblant la communauté des moines dans la prière et le chant.

Entre chaque psaume, ils récitaient deux antiennes (3) aujourd’hui conservées dans un processionnal probablement produit à Moissac et offert à Saint-Maurin, peut-être à l’occasion de l’intégration du monastère au réseau clunisien (Paris, BnF, Latin 2819, f. 86-87).

« Martyr insigne, généreux et illustre par tes mérites, Maurin, tu règnes avec le Christ : reçois nos prières. »
Antienne du processionnal de Moissac (4)

Les chapiteaux du chœur

À la suite de son intégration à l’Église clunisienne, la communauté de Saint-Maurin entreprend la construction d’une nouvelle église consacrée en 1097, comme en témoigne une précieuse inscription dans la chapelle sud.

En partie détruite, l’église conserve encore douze chapiteaux sculptés dans le premier quart du XIIe siècle et dont le style témoigne de l’art de l’abbaye de Moissac située à seulement 25 km de distance.

À l’entrée, deux lions qui s’affrontent défient l’agneau de Dieu portant une croix. Viennent ensuite deux chapiteaux illustrant le martyre et la céphalophorie de saint Maurin suivis de sirènes mises en opposition à des combattants dressés sur des lions. 

Six d’entre eux ornent le chœur : placés face à face, ils fonctionnent par paires. Cette disposition, dans l’espace le plus sacré de l’église, n’a rien d’arbitraire et devait être significative lors des processions à l’occasion des grandes fêtes.

Au centre, les chapiteaux dédiés à Maurin se distinguent par le soin apporté à leur réalisation.

Sur le premier, le gouverneur de Lectoure, accompagné de son destrier, tient fermement Maurin par les cheveux et lui tranche la tête. En vis-à-vis, un ange levant le doigt vers le ciel accompagne le saint qui tient sa tête entre les mains. Celui-ci est en train de guérir une lépreuse agenouillée devant lui avant de poursuivre sa route vers la mort.

Biographie

Rédigé par Laura Attardo

    Fédération Européenne des Sites Clunisiens,
    Doctorante à l’Université Paul-Valéry de Montpellier

    Notes

    (1) Le légendier de Moissac est daté de la première moitié du XIe siècle. Les folios 245r – 247v, réunissant la légende de saint Maurin correspondent à un ajout de la deuxième moitié du siècle. (Paris, BnF, latin 17002, plus précisément aux folios 245r à 247v (1).
    (2) Il s’agit d’une céphalophorie, épisode de la vie d’un saint au cours duquel celui-ci, après avoir été décapité, se relève, prend sa tête et se met en marche ; lire : BOISSEAU C., « La tête sur les épaules : les saints céphalophores médiévaux », in Microscoop : un regard sur les laboratoires en Centre Limousin Poitou-Charentes, 81 (2020), p. 4-5.
    (3) Une antienne est un « refrain liturgique chanté entre les versets d’un psaume » (Dict. de l’Académie Française). Sur le manuscrit Latin 2819, voir : DUFOUR J., « Les manuscrits liturgiques de Moissac », in Cahiers de Fanjeaux, 17, 1982, p. 129.
    (4) Transcription (p. 63-70) puis traduction (p. 71) des antiennes du processionnal par DUMAS G. et GOULLET M., dans : Que vive la mémoire…

    Illustrations

    Fig. 1 : Vue des restes de l’abbaye de Saint-Maurin en 1842 (gauche). © DUCOURNEAU A., La Guienne Historique et Monumentale, vol. 1-2 ; Vestiges du chœur (droite). © Jacques MOSSOT, CC BY-SA 4.0.
    Fig. 2 : Saint Denis portant sa tête. Paris, BnF, Français 13502, f. 42, XIVe siècle.
    Fig. 3 : Décapitation de saint Maurin. Chapiteau du côté droit du chœur (n° 6) ; Céphalophorie de saint Maurin. Chapiteau du côté gauche (n° 9). © Jacques MOSSOT, CC BY-SA 4.0.

    Bibliographie indicative

    COMMUNAL S., « Les chapiteaux de l’ancienne abbaye de Saint-Maurin », in Revue de l’Agenais, 144 (2017), p. 273-292.
    CORVISIER C., Abbaye de Saint-Maurin: histoire de l’architecture: l’œuvre romane, le château abbatial gothique, mutations, grandeur et décadence d’une abbaye bénédictine, Saint-Maurin, 2002.
    DELVERT J., GOULLET M., DUMAS G., Que vive la mémoire… Abbaye bénédictine de Saint-Maurin. La légende et les chants de processions, Saint-Maurin, 1997.
    FRAÏSSE C., « Saint-Maurin et Saint-Pierre de Moissac », in Revue de l’Agenais, 144 (2017) p. 293-304.
    GARDELLES J. « Une église à file de coupoles disparue : l’abbatiale de Saint-Maurin », in Cahiers de civilisation médiévale, 9 (1966), p. 355-362.
    VACQUIÉ A., « L’abrégé de l’histoire de saint Maurin par un religieux bénédictin de la congrégation de Saint Maur », in Revue de l’Agenais, 38 (1911), p. 538-548.

    Fiches associées