Niché au cœur des Alpes-de-Haute-Provence, le village de Valensole entretient un lien privilégié avec les moines clunisiens. Rattaché au monastère dès le Xe siècle, puis érigé en prieuré en 998, il est surtout reconnu pour être le lieu de naissance de l’illustre abbé Mayeul.
Rappel historique

La tradition place la naissance de Mayeul, quatrième abbé de Cluny, à Valensole aux alentours de 909 (1). Issu d’une noble et influente famille implantée en Provence, il est contraint de quitter sa terre natale dans les années 916‑918 pour le Mâconnais en raison de luttes intestines de l’aristocratie locale et des incursions sarrasines à travers la région.
L’intégration de Valensole à Cluny s’opère progressivement. Elle aurait débuté dès 948 avant même l’accession de Mayeul à la tête de l’abbaye : celui-ci cède une partie de ses biens situés à Valensole au comte de Provence Guillaume, ne gardant pour lui et ses frères que sa maison, réservée à leur usage.
Entre 970 et 992, un acte témoigne de la présence de quatre moines clunisien et d’un prieur, probablement installés dans la maison familiale de Mayeul (2).
Plus tard, entre 982 et 993, le comte de Provence Guillaume II rétrocède les biens que Mayeul lui avait donné et rattache l’église Saint‑Maxime à Cluny qui en deviendra l’héritière complète après sa mort.
« L’église de la ville de Valensole […] ne m’appartient pas, parce que le seigneur Mayeul lui-même se l’est réservée pour son usage et celui de ses frères » (3)
– Guillaume II, comte de Provence
Enfin, en 998, un prieuré est édifié à l’initiative de l’abbé Odilon. Avec l’accord de l’évêque de Riez, un monastère est construit près de l’église Saint-Maxime, assurant l’installation pérenne de la communauté (4).
Vestiges d’un temps clunisien

Entre le XIIe et le XIIIe siècle, une nouvelle église, placée sous le vocable de Saint-Denis est érigée avant d’être agrandie au cours du XIVe siècle pour devenir l’église Saint-Blaise. Au XVIIe siècle, une chapelle est élevée à la mémoire de saint Mayeul et un siècle plus tard l’ensemble s’enrichit des chapelles Notre-Dame-du-Rosaire et Saint-Joseph.
Du prieuré médiéval de Valensole, il ne reste aujourd’hui que peu de traces. Une découverte fortuite en 2016 a cependant révéler l’existence de peintures murales inédites situées derrière le maître‑autel. Celles-ci, datables au plus tard du XVIe siècle, représentaient probablement plusieurs épisodes de la vie du Christ, dont celui de la Résurrection, ainsi qu’une scène de dédicace devant la Croix.
Mayeul et la reconquête de son héritage
Sitôt devenu abbé, Mayeul s’efforce de récupérer les possessions perdues par sa famille lors de la période troublée des années 916-918.

Après avoir concédé à Cluny les terres qu’il avait hérité de son père, il entreprend une politique de reconquête de la Provence en réussissant à réintégrer certaines possessions familiales au cercle d’influence du monastère par le biais de précaires (5).
Mais la renommée du monastère et l’influence de son abbé attirent également de généreux donateurs qui permettent à Cluny de s’implanter durablement en Provence :
- En 964, Notre-Dame de Ganagobie est rattachée à Cluny : elle deviendra le principal prieuré clunisien de Provence.
- Avant sa disparition, le comte Guillaume II fait don de la villa de Sarrians au monastère où sera construit, à partir des années 1030, un prieuré.
Odilon, gardien du patrimoine clunisien provençal
À la mort de l’abbé en 994, Odilon entreprend vers 1030 la rédaction d’une Vie de saint Mayeul dans laquelle il raconte comment son prédécesseur fut capturé, enchainé puis finalement libéré contre rançon par une troupe de Sarrasins lors de sa traversée des Alpes (6).
À la suite de cet événement, ces derniers furent chassés définitivement de la région par le comte de Provence Guillaume II qui lança une expédition vengeresse à leur encontre.
Ce récit s’inscrit dans une période troublée qui voit les possessions clunisiennes de Provence menacées par les luttes constantes entre seigneurs locaux. En présentant le comte Guillaume comme le libérateur de la Provence, l’abbé de Cluny forge la figure du seigneur laïc prêt à se battre pour défendre la Croix plutôt que pour son propre intérêt.
Selon les historiens, ce portrait annonce les prémices de l’esprit de Croisade à venir… (7).










